CONTENU 
Les Archives de la science militaire ont été fondées à Saint-Pétersbourg, suite à un décret de Paul Ier du 8 août 1797. Elle devait servir de dépositaire personnelle de Sa Majesté Impériale pour tout ce qui touchait aux affaires militaires. Elles ont par la suite plusieurs fois changé d’appellation, mais l’esprit était toujours le même : conserver cartes et protocoles historiques, descriptions et autres documents provenant de diverses institutions et individus. Tous les dossiers émanant des centres de commandement et des états-majors des armées ont été ainsi archivés à la fin de chacune des guerres menées par la Russie. On y retrouve bien sûr des documents en russe, mais aussi beaucoup de documents en français, soit parce qu’ils ont été saisis à l’ennemi, soit parce que rédigés en français par des officiers russes. Ce fonds se trouve aujourd’hui à Moscou dans les Archives d’histoire militaire de l’État de Russie (RGVIA). Ces archives, avec lesquelles nous travaillerons dans ce cours, apportent un éclairage unique sur une période cruciale dans l’histoire de la Russie, qui connaît, au XIXe siècle, une fulgurante expansion en Asie, à défaut de pouvoir s’étendre à l’ouest, où ses frontières ont été fixées depuis le Congrès de Vienne. Cette expansion n’est pas sans inscrire la Russie en compétition avec les autres puissances occidentales qui se disputent ces nouveaux marchés et colonies potentiels, voire avec le Japon, puissance montante en Asie qu’affrontera sans succès la Russie en 1904-05. Au sein de cette compétition — tantôt pacifique, tantôt belliqueuse — la collecte de renseignement s’avère cruciale. Or, le renseignement connaît précisément à cette époque une véritable révolution, qui voit ses modus operandi se spécialiser, devenir beaucoup plus analytiques, voire encyclopédiques, dans la mesure où l’étude de l’ennemi ne se borne plus aux réalités économiques, militaires et politiques, mais s’ouvre également à l’ethnographie. Les documents que nous analyserons sont des rapports d’espions ou de diplomates (les deux fonctions tendant souvent à se confondre à cette époque), des rapports d’attachés militaires, de la correspondance entre officiers russes, des cartes, des plans, des croquis… Le travail avec ces archives permettra à l’étudiant de se familiariser avec le système archivistique russe, d’appliquer à un corpus précis les principes de la critique des sources, de comprendre enfin de l’intérieur une période captivante dans l’histoire du renseignement, soit celle du Grand Jeu.